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Comprendre pourquoi une femme victime de violences ne s'enfuit pas

Comment une femme battue peut elle rester avec son mari ou compagnon violent, risquant ainsi un féminicide?

Quand on considère l'égalité des sexes dans les sociétés occidentales, le fait que nombreuses femmes continuent de vivre avec un conjoint violent (risquant chaque jour un féminicide au passage, et ce en dépit de l'amélioration constatée dans ces pays, quant à la parité entre hommes et femmes), est toujours choquant.
Cela suscite beaucoup plus de surprise et d'incompréhension quand l'on constate que cette violence est souvent un secret bien gardé entre les époux.

Pourquoi des femmes continueraient elles à passer sur la violence dont elles sont victimes, quelle que soit cette forme de maltraitance?
Pourquoi certaines femmes ne réussissent elles pas à quitter un homme violent envers elles de manière chronique, même si elles souhaitent le faire?

Des questions auxquelles de nombreux et nombreuses spécialistes se sont attelé(es), et pour lesquelles il n'y a pas de réponse toute faite, à part peut être de considérer que ces situations sont si douloureuses et si complexes sur le plan psychologique et émotionnel, que porter un jugement sans l'avoir vécu manquerait cruellement d'humanité.
Les quelques mots qui suivent tentent de résumer une partie des explications possibles, déterminées après des études, des séances de thérapie, des témoignage, recueillis un peu partout depuis des années par les spécialistes de la question, tels que Saba Lignon, Marie France Hirigoyen, Muriel Salmona, Francis Curtet, Casoni et Brunet...

Je tente de vous résumer une partie des réflexions à ce sujet ci-après.

La peur de la mort (donc la peur du féminicide)

Les victimes de violences conjugales ont souvent du mal à quitter leur conjoint violent. Le nombre de féminicides en est une des explications. Une femme meurt en effet tous les trois jours sous les coups de son compagnon en France, et en moyenne, on évalue le nombre d'hommes et de femmes âgés de 18 à 75 ans qui subissent des violences physiques et/ou sexuelles perpétuées par leur ancien ou actuel partenaire intime chaque année à 225 000 personnes. Inquiétant également est le nombre de femmes qui quand elles sont interrogées, indiquent avoir déjà été soumises à des agressions psychologiques ou verbales: 8 femmes sur 10!

La peur de subir un féminicide est donc paradoxalement l'un des premiers éléments permettant d'expliquer le fait pour une femme battue de rester avec son conjoint violent. En effet, étant donné qu'une partie des meurtres de femmes par leur ex-conjoint se produit après la séparation, il est compréhensible de penser de prime abord qu'il est plus sûr de tenir le coup plutôt que de risquer un acte nettement plus violent de l'homme possessif qui refuse que "sa chose" ne lui soit plus "soumise", voire qu'elle puisse être heureuse avec un autre que lui.
Même si de l'extérieur il semble fou qu'une femme battue puisse volontairement décider de continuer à vivre un tel calvaire, la peur profondément ancrée au fil des mois voire des années, d'être tuée par son bourreau, peut expliquer en partie du moins, qu'elle reste avec son conjoint violent.

Le cycle de la violence et l'inversion de la culpabilité par l'emprise

Les violences psychologiques et physiques suivent des périodes. Elles font partie d'un processus toujours identique en quatre phases

  • De bon moments (la période dite de "lune de miel")
  • Puis les Tensions (la femme victime se sent obligée de tout contrôler étant donné la capacité de l'auteur des violences à exploser à tout moment, ce faisant elle s'impose une situation de stress extrême permanent)
  • Puis l'explosion (l'épisode de violence, morale, verbale, physique)
  • Enfin la repentance (l'auteur des faits s'excuse en reconnaissant parfois sa faute, mais le plus souvent en accusant des causes extérieures, et de plus en plus au fil du temps, en déplaçant les raisons sur la victime elle même - exemple- "pardonne moi, je ne le referai plus, mais en même temps regardes, tu es plus mère que femme, c'est tout pour les enfants et rien pour moi...")


Lors de la lune de miel, la victime a envie d'effacer tout ce qui s'est passé et ce qu'elle a subi peu avant. Cette période renforce le lien qu'elle entretient avec l'auteur des violences, en se disant : "en réalité, c'est un homme gentil, ce n'est pas sa faute, il fait des efforts pour s'améliorer".

Plus le temps avance, plus ce cycle se reproduit, plus l'auteur s'acharne à faire douter la victime de ses facultés et de son jugement. Plus elle reste, plus il est capable de la convaincre avec des mots. Des paroles qui lui reprochent sa colère et lui imputent la faute de son agressivité. L'emprise du conjoint violent va empêcher la femme battue de prendre conscience de ce qui lui arrive, elle anesthésie en quelque sorte sa capacité d'analyse objective de sa situation.

Ainsi, la violence s'insinue peu à peu. Elle empire au fur et à mesure du cycle, comme une spirale. La victime pense que les choses pourront s'arranger si elle modifie des choses chez elle : "si je change quelque chose de mon côté, tout deviendra parfait."

Quand la culpabilité change de camp, c'est que l'emprise a complètement fait effet, et dans ce type de situation, la capacité pour une femme victime de violence à quitter son compagnon est encore plus limitée par d'autres leviers, car il n'y a pas UNE seule raison à cette situation de blocage, mais plusieurs qui s'entremêlent.

L'amour passionnel

La qualité amoureuse passionnelle que le conjoint violent dit ressentir pour elle fait en sorte que la femme battue s'identifie comme étant privilégiée à vivre une telle relation de couple et qui la conduit même à prendre fait et cause pour lui, même quand il est violent. Si l'amour passionnel est partagé, ce phénomène n'en est qu'amplifié. Les passions amoureuses fortes constituent un obstacle majeur à tout projet de rupture du mariage ou de la relation de couple, car elles semblent avoir le pouvoir d'occulter les souffrances et les humiliations subies par ailleurs par les femmes. Ce n'est à l'évidence pas une raison suffisante pour expliquer pourquoi une femme victime d'agressions permanentes ne quitte pas son amant, mais elle s'additionne aux autres.

Ce témoignage lu sur la toile exprime assez bien le sentiment vécu à ce moment là:

"Il y a des fois où je le hais tellement, je ne peux pas m’arrêter de penser à comment je le hais, je voudrais ne jamais l’avoir rencontré, et je maudis le jour où je suis retournée avec lui après notre séparation… Mais la plupart du temps, je l’aime tellement que je ne peux pas m’imaginer vivre sans lui!"

La dissociation traumatique, ou état de sidération

Le fait que le foyer, symbole en temps normal de sécurité et de sérénité, devienne un lieu de violence extrême, peut créer une situation semblable à celle du stress post-traumatique.
La dissociation traumatique consiste donc pour une partie des femmes battues, à se séparer de leurs émotions afin de ne plus rien ressentir du tout. Le choc ressenti entre le symbole du foyer présent dans nos esprits et la réalité vécue est trop important et la vie ne peut plus être supportée qu'en mettant un mur entre celle ci et son for intérieur. Ce mur peut aller parfois jusqu'à la séparation intérieure en 2 états d'être, voire 2 personnalités distinctes.

Toute la démarche consistera pour ces femmes à faire en sorte que le conjoint violent exprime le moins souvent possible sa violence, en vain le plus souvent, voire avec l'effet contraire, et seule la séparation en elle même pourra faire cesser ce phénomène de dissociation, avec souvent des effets retardés difficiles à vivre car l'ex-femme battue revivra, ses émotions récupérées, de plein fouet son passé.

Mais en attendant, cela lui "permet" de subir de plus en plus de violence sans pour autant prendre la décision de partir du foyer.

L'acceptation de l'impuissance

A force de tenter d'améliorer la situation en faisant un don et une abnégation de plus en plus importante de sa personne, la victime peut en arriver à un état de conscience dégradée qui la pousse à la résignation la plus totale, de nature à les pousser à accepter de plus en plus de violence. 
Constatant que ses efforts ne changent au final rien, elle s'adapte en ne réagissant plus, dans une démarche de protection qui confine à la stratégie de survie. En ne faisant plus rien, en étant la plus léthargique possible dans les moments de violence, qu'elle soit physique ou sexuelle, elle espère que rien n'alimentera plus la violence de son conjoint, ce qui peu fonctionner au début, mais peut également pousser ce dernier à augmenter le niveau d'agressivité justement pour pouvoir obtenir les réactions qu'il en attend, celles qui lui donnent le sentiment de puissance dont il a besoin tant son problème de confiance en lui est maladif.

La perte d'énergie vitale qui supprime la volonté nécessaire pour quitter le conjoint violent

A force de faire de constants efforts pour maintenir une situation non violente le plus longtemps possible, l'état de stress permanent que cela implique peut vider de son énergie vitale la femme victime de violences conjugales, lui enlevant entre autres celle dont elle aurait besoin pour quitter son conjoint. Il s'agit d'un cercle assez vicieux dans lequel la conscience du besoin de partir augmente de manière proportionnelle avec le manque d'énergie nécessaire aux démarches de libération.

La personnalité du sauveur, la femme forte

De nombreuses femmes ont témoigné de ce désir qu'elles avaient par amour, et souvent par une manœuvre habile de manipulation de leur conjoint, tendant à infantiliser leur comportement, sollicitant ainsi leur sentiment maternel naturel, de "sauver" l'être aimé, d'une certaine manière de lui même.
Violences vécues par ce dernier dans l'enfance, manque de considération personnelle, autovictimisation, tout sera utilisé par l'agresseur pour se victimiser alors que la victime c'est la femme battue.
Mais cette dernière, forte par nature, désirera jusqu'au bout tout tenter pour aider l'être aimé à s'amender, à évoluer dans le bon sens, et ce sentiment sera d'ailleurs insidieusement alimenté par les différentes phases citées en début d'article, notamment celle de la "lune de miel". Malheureusement ce faisant, la femme battue s'enferme dans un système délétère qui la pousse à tenir le coup toujours plus longtemps, toujours plus de violence subie, simplement par l'espoir vain de sortie de crise alimenté par l'agresseur.

Si survient la prise de conscience de l'inutilité de la démarche, il peut s'avérer qu'il soit déjà trop tard, et que le risque de féminicide soit proche.
Désirer "sauver" soi-même un mari violent est donc dans 95% des cas contre productif, malheureusement, bien que la démarche soit en effet particulièrement bienveillante, elle a pour effet d'oblitérer au profit de l'autre sa propre recherche du bonheur et son propre intérêt.

Le sentiment de devoir maternel de protection des enfants

Ce sentiment est fortement exacerbé par le fonctionnement de notre justice jusqu'il y a très peu de temps (cela commence petit à petit à bouger).
En effet, la mère violentée se dit que ses enfants ont besoin de leur père d'une part (tant qu'il ne les bat pas lui même, et encore), mais surtout qu'elle ne sera pas en mesure de leur offrir le toit et l'assistance qu'elle leur doit si elle quitte le conjoint: elle sera placée dans un lieu temporaire, certes loin du danger, mais ses enfants et elles devront quitter le foyer, le toit protecteur, et vivre dans des conditions dont elle même n'a aucune certitude quand au niveau de stabilité et de qualité pour ses enfants. 
Par conséquent elle reste.

C'est en faisant la démarche inverse que nos services publics pourront inverser ces situations, en faisant connaître une démarche de justice inverse, à savoir procéder à l'éviction du foyer non pas de la maman et de ses enfants, mais du père ou du conjoint violent lui même, assortie d'une interdiction géographique d'approcher la victime et ses enfants, et d'un téléphone grand danger confié à la femme battue.
La suppression automatique de l'autorité parentale si le violences conjugales sont confirmées, devrait à notre avis être également quasi automatique, ce n'est malheureusement pas le cas, loin de là, il faut souvent se battre corps et âme sur le plan juridique pour pouvoir obtenir de telles décisions du juge aux affaires familiales.

Par ailleurs, ce sujet de la protection des enfants est d'autant plus sensible qu'il a été prouvé que le simple témoignage régulier par les enfants de violences subies par leur mère, peut avoir sur eux les mêmes répercussions que s'ils subissaient également les coups et agressions. Malheureusement la mère subissant ces violences n'a pas forcément conscience de cet état de fait, ce qui pourrait être un autre sujet sur le plan de la communication à mettre en place dans le cadre de la lutte contre les violences conjugales.

Si vous lisez ce texte et que vous êtes malheureusement de ces femmes qui ont des difficultés à passer le cap de la séparation, de la plainte, vous trouverez ci dessous quelques liens et numéros de téléphone d'aide et d'assistance, que je vous engage en tant qu'avocat et en tant que femme, à consulter dès à présent.

- Découvrir Le violentomètre
- Numéro d’urgence : 3919
- Stop-violences-femmes.gouv.fr
Annuaire des associations près de chez vous
- Association qui sensibilise les jeunes publics aux violences faites aux femmes

Je me tiens également disponible, ayant une très grande expérience de ces situations depuis de nombreuses années en tant qu'avocate en droit de la famille spécialisée en violences conjugales sur Paris, n'hésitez pas car votre premier rendez vous avec moi vous sera offert.

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