Relatons l'histoire...
En plein mois d’aout, c'est à dire durant une période au cours de laquelle les associés sont moins disponibles, à fortiori les associés minoritaires qui ne sont pas les plus attentifs à l'actualité de l'entreprise, le président d’une société convoquait les associés à une assemblée générale extraordinaire.
Son rapport précisait qu’une restructuration était indispensable en raison de la situation financière déficitaire de la société depuis huit ans et que des investissements complémentaires importants étaient nécessaires.
L’assemblée générale extraordinaire décidait donc la réduction du capital social par résorption des dettes, permettant d'utiliser des fonds normalement bloqués, pour régler soit disant ces dettes (pour simplifier), puis l’augmentation du capital, avec suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires minoritaires, par création de nouvelles actions attribuées à l’actionnaire majoritaire, devenu associé unique à l’issue de celle-ci.
Les juges du fonds, confirmés donc par la Cour de cassation dans cet arrêt, ont considéré que l’assemblée générale extraordinaire devait être annulée au vu de la réunion d’un certain nombre d’indices:
Le motif de survie financière de la société pour effectuer un "coup d'accordéon" n'est pas justifié:
Les juges ont constaté effectivement un certain nombre de difficultés financières, au regard des documents comptables, relevant que les capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social mais ont pu également déterminer que la survie de la société n’était pas mise en cause à la date de la convocation de l’assemblée.
Ils ont pu relever également que le rapport du président et la décision d’approbation des comptes du dernier exercice clos ne faisaient pas mention de la perte de la moitié du capital social.
De plus aucune assemblée générale extraordinaire n’avait été convoquée dans les quatre mois pour décider de la dissolution de la société ou de sa continuation en raison de la situation des capitaux propres.
La date de l’assemblée générale extraordinaire n'est pas anodine et pourrait exprimer une intention de fraude:
Les juges retiennent l’indisponibilité des actionnaires à la date de l’assemblée comme critère pour caractériser la fraude aux droits des minoritaires (cass.com 16 avril 2013).
Le président avait convoqué les actionnaires le 04 aout pour une assemblée tenue le 25 aout!.
Selon les juges, le choix du mois d’aout, période estivale, pour tenir l’assemblée générale extraordinaire ne se justifiait pas au regard de la situation de la société.
Par conséquent, en associant une situation financière sérieusement dégradée mais pas catastrophique au point de déclencher une assemblée générale extraordinaire, et les dates d'envoi des convocation et de tenue de l'assemblée, les juges ont bien considéré que l'intention de pénaliser les actionnaires minoritaires était caractérisée.
La reconstitution de la trésorerie n'a pas eu pour objectif de régler des créances dues:
La décision de réduction du capital à zéro puis de son augmentation immédiate par création de nouvelles actions libérées en totalité, par compensation avec une créance en compte courant de l'actionnaire majoritaire, n'avait créé aucune trésorerie permettant de faire face aux besoins de financement invoqués ;
Par contre, donnant les moyens financiers nécessaires à l'actionnaire majoritaire, elle avait eu pour résultat la prise de l'entier contrôle de la société par ce dernier. Par conséquent ces éléments créditaient la thèse d'une opération comptable visant à abîmer le droit des actionnaires minoritaires de la société.