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Droit des actionnaires minoritaires d'une société: attention à l'usage du « coup d’accordéon », s'il a pour objectif de les évincer du conseil d'administration

Le "coup d’accordéon" est un terme imagé appliqué à une opération de modifications successives du capital social d'une société, une opération purement comptable qu'il s'agit de mener avec précaution. Le "coup d'accordéon" utilisé à bon escient permet de garantir la poursuite de l’activité d’une entreprise malgré des pertes d'exploitation importantes.

Cette technique comptable consiste donc à réduire le capital social de la société à zéro et à l’augmenter immédiatement ensuite pour en reconstituer les fonds propres.

Une fois les actions annulées par la réduction du capital, les pertes sont apurées à la hauteur de la valeur des actions annulées. L’augmentation de capital consécutive oblige les associés ou les futurs investisseurs à injecter des fonds afin d'être en mesure de se voir attribuer des nouvelles actions ayant un minimum de valeur.

Une compensation du prix avec le montant des comptes courants éventuels est possible.

Cette pratique peut donc être utilisée pour exclure des actionnaires minoritaires et non plus pour apurer les pertes sociales. En effet les actionnaires minoritaires ayant perdu leurs actions ne seront pas forcément en mesure d'entrer à nouveau au capital en apportant à nouveau des fonds qui peuvent s'avérer très importants selon les conditions d'accès et la valeur de l'entreprise.

L'exemple ci dessous vous explique comment dans ce type d'hypothèse les juges peuvent réagir, avec ici la Cour de cassation qui, dans un arrêt en date du 11 janvier 2017 (pourvoi n°14-27052), rejette un pourvoi en estimant que la Cour d’appel a justement déduit que les délibérations de l’Assemblée générale extraordinaire étaient intervenues en fraude du droit des actionnaires minoritaires de la société.
Relatons l'histoire...

En plein mois d’aout, c'est à dire durant une période au cours de laquelle les associés sont moins disponibles, à fortiori les associés minoritaires qui ne sont pas les plus attentifs à l'actualité de l'entreprise, le président d’une société convoquait les associés à une assemblée générale extraordinaire.

Son rapport précisait qu’une restructuration était indispensable en raison de la situation financière déficitaire de la société depuis huit ans et que des investissements complémentaires importants étaient nécessaires.

L’assemblée générale extraordinaire décidait donc la réduction du capital social par résorption des dettes, permettant d'utiliser des fonds normalement bloqués, pour régler soit disant ces dettes (pour simplifier), puis l’augmentation du capital, avec suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires minoritaires, par création de nouvelles actions attribuées à l’actionnaire majoritaire, devenu associé unique à l’issue de celle-ci.

Les juges du fonds, confirmés donc par la Cour de cassation dans cet arrêt, ont considéré que l’assemblée générale extraordinaire devait être annulée au vu de la réunion d’un certain nombre d’indices:

Le motif de survie financière de la société pour effectuer un "coup d'accordéon" n'est pas justifié:


Les juges ont constaté effectivement un certain nombre de difficultés financières, au regard des documents comptables, relevant que les capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social mais ont pu également déterminer que la survie de la société n’était pas mise en cause à la date de la convocation de l’assemblée.

Ils ont pu relever également que le rapport du président et la décision d’approbation des comptes du dernier exercice clos ne faisaient pas mention de la perte de la moitié du capital social.

De plus aucune assemblée générale extraordinaire n’avait été convoquée dans les quatre mois pour décider de la dissolution de la société ou de sa continuation en raison de la situation des capitaux propres.


La date de l’assemblée générale extraordinaire n'est pas anodine et pourrait exprimer une intention de fraude:


Les juges retiennent l’indisponibilité des actionnaires à la date de l’assemblée comme critère pour caractériser la fraude aux droits des minoritaires (cass.com 16 avril 2013).

Le président avait convoqué les actionnaires le 04 aout pour une assemblée tenue le 25 aout!.

Selon les juges, le choix du mois d’aout, période estivale, pour tenir l’assemblée générale extraordinaire ne se justifiait pas au regard de la situation de la société

Par conséquent, en associant une situation financière sérieusement dégradée mais pas catastrophique au point de déclencher une assemblée générale extraordinaire, et les dates d'envoi des convocation et de tenue de l'assemblée, les juges ont bien considéré que l'intention de pénaliser les actionnaires minoritaires était caractérisée.

La reconstitution de la trésorerie n'a pas eu pour objectif de régler des créances dues:



La décision de réduction du capital à zéro puis de son augmentation immédiate par création de nouvelles actions libérées en totalité, par compensation avec une créance en compte courant de l'actionnaire majoritaire, n'avait créé aucune trésorerie permettant de faire face aux besoins de financement invoqués ;

Par contre, donnant les moyens financiers nécessaires à l'actionnaire majoritaire, elle avait eu pour résultat la prise de l'entier contrôle de la société par ce dernier. Par conséquent ces éléments créditaient la thèse d'une opération comptable visant à abîmer le droit des actionnaires minoritaires de la société.

Enfin, d'évidence l’objectif de l’opération était sous entendu, dans la suppression de la clause de droits préférentiels:


L’assemblée générale extraordinaire avait conduit à supprimer les droits préférentiels de souscription des actionnaires minoritaires et à attribuer les nouvelles actions au seul profit de l’actionnaire majoritaire. L’ensemble de l’opération avait ainsi eu comme objectif essentiel d’évincer les actionnaires minoritaires sans que soit établi que cette éviction du conseil d'administration était justifiée par l’intérêt social de la société.

L’assemblée générale extraordinaire étant intervenue en fraude des droits des actionnaires minoritaires,  il en est résulté l’annulation du « coup d’accordéon » tenté par l'associé majoritaire de l'entreprise.


Au vu de cet exemple, si vous désirez en tant que dirigeant, effectuer un "coup d'accordéon", il est fortement conseillé de vous faire accompagner par un avocat en droit des société suffisamment aguerri pour vous apporter un assistance juridique et financière de nature à vous garantir le succès à terme de l'opération, que cela soit sur le plan procédural et du droit, comme sur le plan financier pur.
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